Article issu de sousnospieds.be, un site de vulgarisation dédié aux sols.

La persistance des matières organiques dans les sols

Table des matières

Avez-vous lu l’article précédent ?

Cet article est la suite de “La longue descente des matières organiques mortes”. Il est donc chaudement recommandé de commencer par là !

À la fin de l’article précédent, je vous laissais honteusement sur un suspens insoutenable qui aura certainement négativement impacté votre sommeil durant tout le mois de mars. J’en suis désolé. Mais aujourd’hui, l’heure du dénouement a sonné pour ce que nous avions alors appelé “l’énigme des billes suspendues”. Plus sérieusement, voici les objectifs de cet article.

Objectifs

  1. Revenir sur deux théories obsolètes (mais encore très répandues !) qui tentaient d’expliquer la persistance de certaines matières organiques mortes dans les sols.
  2. Décrire le modèle explicatif qui s’est imposé au cours des vingt dernières années.

Mais avant cela, rafraîchissons-nous un peu la mémoire pour repartir sur de bonnes bases !

Dans l’épisode précédent…

Dans l’article précédent, je comparais les matières organiques mortes à des billes lâchées au sommet de la pente d’un toboggan. En effet, comme ces billes qui n’ont d’autre envie que de rouler jusqu’en bas de la pente, les matières organiques mortes n’ont normalement d’autre envie que de se décomposer. Le long chemin de la décomposition était donc comparé à une longue descente. En jargon scientifique, les billes au sommet du toboggan, comme les matières organiques mortes, sont dites thermodynamiquement instables1. Et quand on est thermodynamiquement instable, ce que l’on veut par dessus tout, c’est devenir thermodynamiquement stable. Logique, non ? Pour les billes, cela consiste à rouler jusqu’en bas du toboggan. Pour les matières organiques mortes, cela consiste à aller jusqu’à l’ultime étape de la décomposition et à se “désassembler” complètement en leurs constituants élémentaires : \( \ce{CO2} \), \( \ce{H2O} \), \( \ce{NH4+} \) (ammonium), \( \ce{PO4^3-} \) (phosphate), \( \ce{SO4^2-} \) (sulfate), etc. Ce sera le destin de la majeure partie des matières organiques mortes arrivant au sol2.

L’article précédent se concentrait sur cette descente qu’est la décomposition des matières organiques mortes, en suivant en particulier le périple d’une petite feuille de tilleul tout juste tombée de son arbre. Il fallait en retenir un petit schéma et quelques points clés dans un bel encadré bleu, tous deux repris ci-dessous.

Sous l’impulsion de la faune du sol et des micro-organismes, les matières organiques mortes diminuent progressivement en taille. En dessous du seuil de 1 nanomètre, elles peuvent entrer dans les cellules où deux voies s’offrent à elles. D’une part, la voie catabolique (flèches rouges) via laquelle la décomposition continue jusqu’à l’ultime étape de la minéralisation. D’autre part, la voie anabolique (flèches bleues) via laquelle une petite partie d’entre elles est ré-intégrée aux organismes vivants dans les sols et remonte alors un peu la pente. (La partie de gauche de la figure est inspirée de Lehmann et al.3)

Crédits : Krzysztof P. Jasiutowicz et Corpse Reviver, CC BY-SA 3.0, Benjah-bmm27, Domaine publique, via Wikimedia Commons

Quelques points clés dans un bel encadré bleu

  • Les matières organiques mortes représentent une source de nourriture et d’énergie pour les animaux du sol et les micro-organismes (bactéries et champignons) ;
  • Ceux-ci réduisent progressivement la taille des matières organiques mortes
    • mécaniquement : c’est l’œuvre des animaux du sol (et aussi de la surface !), qui facilitent en passant le travail des micro-organismes ;
    • biochimiquement : c’est l’œuvre des enzymes, ces minuscules paires de ciseaux sécrétées principalement par les micro-organismes.
  • L’essentiel de la décomposition est assurée par les micro-organismes (mais tous les maillons de la chaîne sont néanmoins nécessaires !) ;
  • L’étape ultime de la décomposition s’appelle la minéralisation : les constituants élémentaires des matières organiques (\(\ce{CHONPS}\)) sont libérés sous forme inorganique dans les sols. (Et certains s’en échappent, comme le \( \ce{CO2} \) qui retourne à l’atmosphère.) ;
  • La décomposition permet ainsi le recyclage des nutriments essentiels à la vie (ammonium, phosphate, sulfate, etc.) ;
  • Via les réactions anaboliques, une partie des matières organiques mortes est ré-intégrée dans les organismes vivants dans les sols (micro-organismes en tête), qui s’en servent pour “fabriquer” leur propre matière.

Si ce rafraîchissement ne vous suffit pas, je vous invite à relire l’article précédent.

La fameuse énigme des billes suspendues

Il nous restait donc cette épineuse question de la persistance de certaines matières organiques mortes dans les sols. Si la décomposition est leur tendance naturelle – comme l’est le sens de la pente pour les billes lâchées au sommet du toboggan –, comment expliquer que certaines matières organiques mortes persistent plusieurs siècles voire plusieurs millénaires dans les sols4 ? Je le répète : cela est aussi intriguant que si certaines billes s’arrêtaient net en plein milieu de la descente – comme suspendues à des fils invisibles – tandis que la majorité d’entre elles attend en bas depuis belle lurette…

Avant de décrire la théorie qui fait consensus aujourd’hui pour résoudre cette énigme, je vous proposais de revenir sur deux autres théories qui – bien qu’aujourd’hui considérées comme obsolètes – parsèment encore de nombreux livres sur les sols : la théorie de l’humification5 et la théorie de la préservation sélective.

Voilà, c’est là que nous en étions restés dans l’article précédent. Nous nous apprêtions à remonter dans le temps pour découvrir la plus ancienne de ces deux théories : la théorie de l’humification. Prêt.es ? Alors allons-y !

Théorie obsolète n°1 : l’humification

Un peu d’histoire6

Nous sommes en l’an de grâce 367 et l’empereur Valentinien 1er – tombé gravement malade – nomme coempereur son fils Gratien, âgé de huit ans seulement. Non, pardon, nous sommes remontés beaucoup trop loin7. On recommence.

Nous sommes vers la fin du 18e siècle. L’importance des matières organiques pour la fertilité des sols est déjà reconnue depuis longtemps (même si les mécanismes qui expliquent cela sont encore loin d’être compris8). L’origine des matières organiques des sols est par ailleurs connue aussi : les résidus végétaux ou le fumier déposés sur les sols se décomposent progressivement et se transforment en une substance noire et amorphe, communément appelée humus9.

Les résidus végétaux ou le fumier disparaissent en général assez rapidement de la surface, comme ce fut le cas de notre petite feuille de tilleul dans l’article précédent. Mais l’humus lui – dont la présence dans les sols est trahie par une teinte plus ou moins noire – semble bien plus persistant, bien plus stable, presque immuable même selon certains. À partir de ces observations, l’idée que les résidus végétaux se transforment en une substance d’une autre nature, bien plus résistante à la décomposition, s’installe dans les esprits. Cela sera l’hypothèse sous-tendant la majeure partie des deux prochains siècles de recherche sur l’humus. Et pour commencer, les chercheurs vont s’atteler à l’étude de la nature chimique de l’humus, ou des matières organiques des sols10.

À l’époque, il est cependant très difficile d’étudier les matières organiques des sols. Il est en effet alors impossible de les observer in situ, c’est-à-dire en place directement dans un échantillon de terre. Il faudra pour cela attendre des technologies qui n’arriveront qu’au début des années 1990. Avant cela, il faut recourir à des méthodes permettant d’extraire les matières organiques d’un échantillon de terre pour les étudier séparément11. Mais les matières organiques des sols ne se laissent pas extraire si facilement : elles sont en effet très intimement mélangées et liées aux constituants minéraux des sols. La méthode traditionnelle d’extraction – dont les origines remontent à 1786 mais dont les grands principes n’ont pas fondamentalement changé depuis12 – est donc assez… agressive.

Dans un premier temps, l’échantillon de terre est traité avec une solution très alcaline (environ 1000 fois plus que l’eau de javel). Cela a pour effet d’extraire une partie des matières organiques de l’échantillon. La partie qui n’est pas extraite est appelée humine. Le traitement se poursuit avec l’ajout d’une solution très acide (à peu près autant que l’acide d’une batterie de voiture). Cela permet d’encore séparer les matières organiques extraites en deux fractions que l’on nomme acides fulviques et acides humiques. Bref, les noms de ces trois fractions importent peu. L’histoire de la recherche sur les matières organiques des sols regorge d’ailleurs de bien d’autres noms pour les différentes fractions extraites des sols13 ! De manière générale, retenez que l’on appelle collectivement substances humiques les matières organiques extraites des sols par ce genre de procédés, et oubliez le reste.

Aux 19e et 20e siècles, l’étude de la nature des matières organiques des sols se fait donc au travers des substances humiques, et celle-ci progresse au même rythme que le développement de la chimie. Au début du 19e siècle, les chercheurs sont convaincus que les substances humiques sont d’une nature spécifique, c’est-à-dire distincte de celle des résidus végétaux, animaux, bactériens ou fongiques que l’on peut trouver dans les sols14. Leurs recherches suggèrent aussi que les substances humiques sont constituées de molécules de très grandes tailles, très complexes et aux structures particulières. L’hypothèse est alors que ces caractéristiques des substances humiques leur confèrent une grande résistance à la décomposition, une grande stabilité qui explique leur persistance dans les sols15.

En parallèle, les chercheurs s’intéressent aux processus qui mènent à la formation de ces fameuses substances humiques : comment les résidus végétaux facilement décomposables sont-ils transformés en substances très résistantes à la décomposition ? Tour à tour, en même temps que d’autres branches des sciences se développent, plusieurs voies sont envisagées. On pense d’abord qu’il s’agit d’un processus purement physique ou chimique. Certains pensent ensuite que les substances humiques ont pour origine la lignine, une famille de molécules elles-mêmes très grandes et très complexes et qui est un des principaux constituants du bois. Enfin, quand la microbiologie se développe, on pense que ce sont en fait les micro-organismes qui synthétisent les substances humiques en re-polymérisant des petits polymères ou des monomères issus de la décomposition. Toutes ces voies de transformation hypothétiques sont collectivement appelées humification.

À partir de 1990 cependant, et notamment grâce l’émergence de nouvelles technologies, le scepticisme envers la théorie de l’humification prend de plus en plus d’ampleur… Mais avant de voir cela, récapitulons avec un beau schéma.

Avant l’émergence de techniques modernes permettant d’observer directement les matières organiques des sols en place, il fallait recourir à des méthodes permettant de les extraire des sols pour les étudier séparément. On obtenait alors de grandes et complexes molécules, aux caractéristiques particulières : les substances humiques, représentées ici comme un empilement de différentes formes de couleur. On supposait alors que la nature de ces substances expliquait leur résistance à la décomposition (et donc leur persistance) et que celles-ci résultaient de différents processus de transformation collectivement appelés “humification”.

Représentation schématique des substances humiques inspirée de Schmidt et al., op. cit., figure 2.

Beaucoup de scepticisme

Bon, mais quel est le problème de cette théorie de l’humification ? En réalité, on pourrait en citer plus d’un, par exemple concernant les différentes voies hypothétiques d’humification16 ou la prétendue résistance à la décomposition des substances humiques17. Mais concentrons-nous sur LE problème fondamental de cette théorie. Vous êtes prêt.es ? Le voilà : on a jamais trouvé de substances humiques dans les sols181920. Étonnant, n’est-ce pas ? J’espère que vous êtes toutes et tous bouche bée face à ce retournement de situation !

Mais qu’ont donc étudié ces générations de chercheurs qui se sont penchés sur les substances humiques ? Ils ont en fait étudié des substances qui sont artificiellement créées par la méthode d’extraction très “agressive” présentée plus haut, mais qui n’existent pas naturellement dans les sols21 ! Étudier les matières organiques des sols au travers des substances humiques n’a donc pas vraiment de sens. C’est un peu comme si, pour étudier la nature des billes sur le toboggan, les chercheurs les avaient toutes mises dans un sac et avaient étudié la nature du sac. Pendant 200 ans. Ouch.

Substances humiques et humus : attention aux confusions !

Attention : les substances humiques n’existent donc pas naturellement dans les sols. Mais l’humus existe lui bel et bien ! Les termes se ressemblent mais désignent deux choses différentes :

  • l’humus, ce sont les matières organiques que l’on trouve dans les sols (en tout cas pour l’agronome, c’est encore différent pour le forestier) ;
  • les substances humiques, ce sont ces grandes et complexes molécules obtenues en essayant d’extraire l’humus du sol pour l’étudier.

Le terme “matières organiques des sols” est aujourd’hui préféré au terme “humus”.

Et pourtant, les premières critiques de la méthode d’extraction utilisée pour obtenir les substances humiques ne datent pas d’hier. La première remonte même à 188822 ! Il aura néanmoins fallu attendre ces fameuses technologies qui permettent d’observer directement les matières organiques en place pour mettre à la retraite la théorie de l’humification (ou presque, car elle est malgré tout encore assez répandue, d’où l’intérêt d’en parler ici !). On s’est alors aperçu que les matières organiques des sols étaient en fait constituées de petites molécules, relativement simples, et dont la nature ne diffère pas de celles des résidus végétaux, animaux, bactériens ou fongiques que l’on s’attend à trouver dans les sols23. Autrement dit, nul besoin d’invoquer des processus d’humification complexes pour expliquer la nature des matières organiques que l’on retrouve dans les sols24 !

Mettons donc à jour notre petit schéma récapitulatif pour y intégrer ce coup fatal porté à la théorie de l’humification.

L’émergence de techniques modernes permettant d’observer les matières organiques directement en place dans un échantillon de terre a permis de voir que celles-ci étaient en réalité constituées de petites molécules relativement simples. Les grandes et complexes substances humiques sont en fait artificiellement créées par ré-arrangement de ces petites molécules lors de la procédure d’extraction des matières organiques. Sans substances humiques : la théorie de l’humification s’écroule !

Représentation schématique des substances humiques inspirée de Schmidt et al., op. cit., figure 2.

Bon, les matières organiques des sols ne sont donc pas constituées de grandes et complexes substances humiques très résistantes à la décomposition, mais plutôt de petites molécules relativement simples. Avec tout ça, on ne sait toujours pas comment certaines d’entre elles persistent aussi longtemps dans les sols…

Théorie obsolète n°2 : la préservation sélective

Passons donc à la deuxième théorie, celle de la “préservation sélective”, ou “décomposition préférentielle” (c’est la même chose). Cette théorie est bien plus récente. Elle se base sur une série d’études sur les vitesses de décomposition de différentes matières organiques démarrant au début des années 198025. Notez cependant que cette théorie n’a pas succédé à la précédente. Les deux théories ne sont pas incompatibles et ont même co-existé.

Vous avez probablement déjà pu observer que toutes les matières organiques mortes à la surface des sols ne semblent pas se décomposer au même rythme. Des feuilles de betteraves abandonnées dans votre potager disparaîtront par exemple beaucoup plus vite que la même quantité de paille ou de copeaux de bois26. De la même manière, vous avez peut-être déjà vu une feuille morte partiellement décomposée, où ne subsistent plus que les nervures qui forment alors une très fine et très jolie dentelle.

Les nervures de cette feuille morte semblent jusqu’ici avoir été sélectivement préservées… C’est joli, non ?

Crédit : Stefanie Leuker, CC0, via Wikimedia Commons

De ces observations naît l’idée que les matières organiques mortes qui arrivent aux sols sont constituées d’une partie facilement décomposable et d’une partie dite récalcitrante, que les micro-organismes auraient plus de difficultés à décomposer et n’utiliseraient donc qu’en dernier recours27. Ainsi, les matières organiques riches en azote et pauvres en lignine seront par exemple plus vite décomposées que celles riches en lignine et pauvres en azote28.

Ce que la théorie de la préservation sélective nous dit alors, c’est que les matières organiques qui persistent longtemps dans les sols sont ces matières organiques “récalcitrantes”. Celles-ci seraient “sélectivement préservées” au cours du temps alors que les autres seraient au contraire “préférentiellement décomposées”. La persistance de certaines matières organiques mortes dans les sols serait donc due – comme c’était le cas d’ailleurs pour les substances humiques – à leur nature chimique, qui leur conférerait une plus ou moins grande résistance à la décomposition. En un schéma, cela donnerait ça.

La théorie de la préservation sélective suppose que les matières organiques récalcitrantes (en noir) sont sélectivement préservées et persistent alors longtemps dans les sols. À l’inverse, les matières organiques facilement décomposables (en blanc) seraient préférentiellement décomposées et ne resteraient donc que très peu de temps dans les sols.

Crédit : Krzysztof P. Jasiutowicz, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Bon, mais qu’est-ce qui cloche dans cette théorie cette fois ? Deux choses :

  • d’une part, on a pu démontrer que des matières organiques mortes supposément très résistantes à la décomposition pouvaient en réalité être assez rapidement dégradées par les micro-organismes et leur immense catalogue d’enzymes29. La nature des matières organiques mortes peut initialement un peu ralentir leur décomposition, mais cet effet s’atténue au cours du temps et on observe pas de “préservation sélective” à long terme,
  • d’autre part, et c’est plus intriguant, on s’est rendu compte que des matières organiques mortes dont on pensait pourtant que les micro-organismes ne feraient qu’une bouchée (par exemple des sucres comme le glucose) pouvaient en fait persister très longtemps dans les sols30.

En conclusion, si la nature chimique des matières organiques mortes permet d’expliquer leur vitesse de décomposition à court terme, elle ne contrôle pas leur devenir à long terme dans les sols31. À l’échelle de plusieurs décennies voire de plusieurs siècles, les matières organiques facilement décomposables ont en réalité autant de chance d’être préservées dans les sols que les matières organiques dites “récalcitrantes”32 ! Mettons donc à jour le schéma précédent pour prendre ces observations en compte.

La récalcitrance des matières organiques mortes ne permet d’expliquer que leur vitesse de décomposition initiale. À l’échelle de plusieurs décennies voire de plusieurs siècles, les matières organiques facilement décomposables ont autant de chance d’être préservées dans les sols que les matières organiques “récalcitrantes”.

Crédit : Krzysztof P. Jasiutowicz, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

La théorie de l’humification et la théorie de la préservation sélective sont donc toutes les deux K.-O. Ces deux théories obsolètes ont d’ailleurs un point commun. L’une comme l’autre tentaient d’expliquer la persistance de certaines matières organiques dans les sols par leur nature chimique, qui donc leur conférerait une certaine résistance innée à la décomposition. Dans les termes de notre analogie, ces deux théories tentaient d’expliquer la mystérieuse pause de certaines billes en plein milieu de la pente du toboggan par leur couleur, leur forme ou le matériau dont elles sont faites. Bref, à nouveau, par leur nature.

Mais si la nature des matières organiques n’explique pas leur persistance dans les sols, quelle autre explication reste-t-il ? Il reste en fait une piste que nous n’avons pas encore explorée. Si la persistance de certaines matières organiques dans les sols n’est pas de leur propre fait, c’est forcément qu’elle est le fait de facteurs qui leur sont extérieurs. Autrement dit – et c’est le modèle qui s’est imposé au cours des vingt dernières années –, les matières organiques ne persisteraient pas dans les sols grâce à leurs propriétés intrinsèques, mais grâce à l’influence qu’exerce sur elles leur environnement33.

Le modèle actuel : l’influence de l’environnement

Mais comment l’environnement des matières organiques pourrait-il les protéger de la décomposition ? Revenons une dernière fois à l’analogie du toboggan et des billes. Si certaines billes s’arrêtent en plein milieu de la descente, cela pourrait être parce que la surface du toboggan n’est pas complètement lisse. Peut-être présente-t-elle quelques petites anfractuosités, ou quelques surfaces étonnamment collantes par endroit, qui permettraient à certaines billes d’y rester comme suspendues, indépendamment de leur nature. Bon, j’admets que l’on touche ici aux limites de cette analogie. Laissons-la donc de côté pour de bon, et allons plutôt voir par quels moyens le décor essentiellement minéral dans lequel se trouvent les matières organiques peut les protéger de la décomposition.

L’inaccessibilité comme protection

Imaginons qu’une petite molécule organique – de l’ordre du petit polymère ou du monomère – se trouve complètement enchevêtrée dans un amas de constituants minéraux. L’enchevêtrement est tel que cette molécule n’est atteignable que par un véritable labyrinthe de pores très étroits. Bref, l’accès y est compliqué, même pour les micro-organismes et leurs redoutables “ciseaux moléculaires” que sont les enzymes34. Il se pourrait par ailleurs que l’oxygène se fasse rare au cœur de cette “micro-chambre” dans laquelle loge la petite molécule organique. Même si les micro-organismes y avaient accès, cela ralentirait considérablement leur travail de décomposition35. Indépendamment de sa nature chimique – et à condition que sa micro-chambre reste intacte – cette molécule organique aurait dans les deux cas de beaux jours devant elle. En jargon de pédologue, on ne parlerait pas de “micro-chambre” mais de micro-agrégat, que l’on peut à peu près se représenter comme une minuscule motte de terre mesurant moins d’un vingtième de millimètre. La petite molécule organique est ici protégée physiquement par occlusion au sein d’un micro-agrégat36.

Une molécule organique physiquement protégée car complètement enchevêtrée dans un amas de constituants minéraux. L’accès y est très compliqué, même pour les micro-organismes et leurs redoutables enzymes ! En outre, il est possible que l’oxygène se fasse rare dans ce micro-agrégat. La décomposition y serait alors considérablement ralentie, même si les micro-organismes arrivaient à se frayer un passage dans ce labyrinthe de pores très étroits !

Notez que les agrégats – et donc la protection des matières organiques qu’ils renferment – ne sont pas figés. Différents événements peuvent mener à la destruction ou à la création d’agrégats37 : alternance de périodes humides et sèches, gel, travail mécanique du sol, etc.

L’association organo-minérale comme protection

Il existe un autre mécanisme de protection des matières organiques, qui ne nécessite pas cet isolement assez rigoureux. Pour le comprendre, revenons un peu sur le fonctionnement des enzymes extra-cellulaires larguées dans les sols par les micro-organismes pour découper leur nourriture. Pour découper un polymère, une enzyme doit être en contact étroit avec lui. Elle doit en quelque sorte l’attirer jusqu’à elle et l’enlacer avant le coup de ciseaux fatal. (C’était d’ailleurs bien visible ici dans l’article précédent !) Mais il arrive parfois que le polymère soit plus fortement attiré par autre chose, comme la douce surface d’une argile minéralogique qui traînerait par là. Dans ce cas, et tant que polymère et argile seront comme collés l’un à l’autre, la pauvre enzyme ne pourra pas l’attirer jusqu’à elle38. C’est un peu comme si votre nourriture collait si fortement au fond de votre assiette que vous ne parveniez pas à vous en saisir pour la manger. (Si cela vous arrive parfois, ne m’invitez pas à manger chez vous.) On parle dans ce cas de protection par interaction organo-minérale. L’exemple de l’argile minéralogique n’a par ailleurs pas été choisi au hasard ! C’est en effet principalement avec elles que s’associent les matières organiques39.

Une molécule organique très attirée par la douce surface d’une argile minéralogique. Si l’affinité de cette molécule organique pour la surface argileuse est suffisamment forte, les enzymes rôdant dans les parages ne parviendront pas à l’attirer vers elles pour la découper ! (Attention, si je fais ici fictivement parler une enzyme au même titre qu’une bactérie, rappelez-vous bien qu’une enzyme n’est pas plus vivante qu’une paire de ciseaux !)

À l’instar de la protection au sein des agrégats, celle-ci est aussi réversible. Une molécule organique peut se détacher de la surface minérale à laquelle elle était attachée, tomber aux mains d’une enzyme, et ainsi poursuivre sa décomposition.

Vous l’aurez compris, comme ces deux mécanismes de protection sont dynamiques, toutes les matières organiques en bénéficiant ne persistent pas des siècles ou des millénaires dans les sols. Ce sera néanmoins le cas d’une partie d’entre elles40, d’autant plus si elles ont la chance de bénéficier de ces deux mécanismes de protection en même temps41 !

En outre, plus les matières organiques mortes diminuent en taille lors de la décomposition, plus elles sont sujettes à bénéficier de l’un de ces deux mécanismes de protection. Pour se trouver incorporé et donc protégé au cœur d’un micro-agrégat, il faut en effet être suffisamment petit. De la même manière, les opportunités d’interactions avec une surface minérale augmentent avec le degré de décomposition42.

Que retenir de tout cela ?

Voilà donc le secret de la longévité de certaines matières organiques mortes dans les sols : pas de substances humiques ou de matières organiques par nature récalcitrantes, mais plutôt une protection résultant d’interactions avec le décor minéral dans lequel elles se trouvent. Si vous ne retenez que cette phrase, c’est déjà vraiment super.

De manière plus complète, l’encadré bleu ci-dessous reprend les 4 points clés de cet article. (Bon, j’ai un peu triché. Il y en a 8 en tout en comptant les sous-points. Désolé.)

Que retenir de tout cela ?

  • Si la grande majorité des matières organiques mortes est assez rapidement décomposée “jusqu’au bout” (c’est-à-dire minéralisée), une partie peut persister plusieurs siècles voire plusieurs millénaires dans les sols ;
  • Contrairement à ce qu’avancent deux théories aujourd’hui considérées comme obsolètes, la persistance de certaines matières organiques mortes dans les sols n’est due ni :
    • à leur transformation – ou humification – en “substances humiques” dont la nature expliquerait leur très grande résistance à la décomposition, ni
    • à leur nature “récalcitrante” qui expliquerait leur préservation sélective dans les sols au cours du temps.
  • Si certaines matières organiques mortes persistent aussi longtemps dans les sols, ce n’est donc pas grâce à leurs propriétés intrinsèques, mais parce qu’il arrive que leur environnement les protège de la décomposition :
    • par occlusion au sein d’une “mini-motte de terre” (ou “agrégat”), ce qui les rend inaccessibles aux micro-organismes, à leurs redoutables enzymes, ou à l’oxygène, ou
    • par affinité pour une surface minérale, ce qui empêche les enzymes de les attirer vers elles pour les découper en morceaux plus petits.
  • Ces protections environnementales sont néanmoins réversibles. Toutes les matières organiques en bénéficiant ne persisteront donc pas plusieurs siècles voire plusieurs millénaires dans les sols.

Ça y est, vous êtes pratiquement au top de l’état actuel des connaissances sur la persistance des matières organiques dans les sols. Ce n’est quand même pas rien !

Conclusion

Et voilà, c’est (déjà) la fin de cette petite série de deux articles sur les matières organiques des sols. Je ne vous avais pas menti au début de l’article précédent en indiquant que l’on s’attaquait à un sujet très complexe. L’objectif principal de cet article était de revenir sur deux théories aujourd’hui considérées comme obsolètes – la théorie de l’humification et la théorie de la préservation sélective – sur lesquelles vous risquez encore malgré tout très fort de tomber si vous vous intéressez aux sols. Si vous gardez cela dans un coin de la tête et que vous repensez à cet article en tombant sur des termes comme “humification”, “substances humiques” ou “récalcitrance”, c’est gagné en ce qui me concerne !

P.-S. : pour toute question, suggestion, remarque ou retour, n’hésitez pas à me contacter en cliquant ici. C’est toujours le bienvenu !

P.-P.-S : pour celles et ceux qui n’en ont pas encore eu assez, on se retrouve pour un petit rabiot dans la section bonus juste en-dessous des habituels remerciements 👇 !

Remerciements

Comme d’habitude, merci à mon petit panel de relecteur.rices et à Yannick Agnan, professeur de sciences du sol à l’UCLouvain, pour leur relecture attentive.

Merci aussi à mes 10 supporter.rices sur la plateforme Buy me a coffee ♥ !

Bonus : qui bénéficie de ces mécanismes de protection ?

L’article est déjà dense, mais je n’ai pas pu résister à l’envie d’aller un petit peu plus loin pour les plus assidus d’entre vous ! En passant, c’est aussi l’occasion de montrer l’étendue des choses qu’il reste à découvrir sur les matières organiques des sols, et sur les sols en général.

Bon, vous l’avez donc maintenant bien compris : si certaines matières organiques mortes persistent aussi longtemps dans les sols, ce n’est pas grâce à leur nature, mais parce qu’il arrive que leur environnement les protège. Pour autant, cela signifie-t-il que nous ne pouvons rien dire de particulier quant à la nature des matières organiques qui persistent le plus longtemps dans les sols ? Eh bien, c’est compliqué…

Pour commencer, les matières organiques mortes peuvent arriver au sol de deux façons. D’une part, elles peuvent y arriver depuis la surface. C’était par exemple le cas de la feuille de tilleul tombée de son arbre dans l’article précédent. On parle alors d’apports aériens. D’autre part, les apports peuvent être souterrains. Ceux-ci sont constitués des substances organiques émises par les racines directement dans les sols (appelées “rhizodépôts”), mais aussi des racines elles-mêmes à leur mort. Si on les voit moins, les apports souterrains sont loin d’être négligeables et peuvent même parfois dépasser les apports aériens ! Il y a aujourd’hui débat sur l’importance relative des apports aériens et souterrains pour la formation de matières organiques protégées dans les sols43. La contribution particulière des apports souterrains est souvent mise en avant, mais cela semble en réalité dépendre de l’écosystème considéré44. Si cela semble être le cas pour les écosystèmes agricoles45, la situation est par exemple moins claire pour les écosystèmes forestiers46.

Ensuite, comment les matières organiques mortes – qu’elles soient d’origine aérienne ou souterraine – se trouvent-elles protégées au sein d’un agrégat ou par interaction organo-minérale ? Pour commencer, et comme déjà mentionné, elles doivent être suffisamment petites. Une fois ce pré-requis satisfait, deux voies sont envisagées :

  • d’une part, ces petites molécules organiques peuvent “passer par un micro-organisme” (via les réactions anaboliques) avant de se trouver protégées,
  • d’autres part, elles peuvent se débrouiller seules et se trouver protégées de manière plus directe, sans l’intermédiaire d’un micro-organisme.

Certaines études estiment que la voie microbienne est la principale et que la grande majorité des matières organiques protégées dans les sols provient donc des cadavres et sécrétions des micro-organismes. Mais d’autres études montrent au contraire que la part provenant directement des résidus végétaux – donc sans l’intermédiaire des micro-organismes – peut dépasser les 50 %4748. Et comme souvent en sciences du sol, tout cela semble dépendre du type de sol, de son usage, du climat, etc.

Bref, les chercheurs et chercheuses ont encore de quoi s’amuser !

Références et notes


  1. Hedges et al., The molecularly-uncharacterized component of nonliving organic matter in natural environments, Organic Geochemistry, 2000.

    “Organic matter is a thermodynamic anomaly atop a free energy precipice that drops off on all sides to dispersed, stable ingredients such as carbon dioxide, water, nitrate and phosphate.”

     Revenir en haut ↑
  2. Balesdent et al., 80 clés pour comprendre les sols, Quae, 2023, p. 60 :

    “(…) 80 à 90 % du carbone organique apporté va disparaître en moins de quelques années (…)”

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  3. Lehmann et al., The contentious nature of soil organic matter, Nature, 2015. Revenir en haut ↑

  4. Schmidt et al., Persistence of soil organic matter as an ecosystem property, Nature, 2011.

    “About a decade ago, a fundamental conundrum was articulated: why, when organic matter is thermodynamically unstable, does it persist in soils, sometimes for thousands of years?”

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  5. Comme mentionné dans l’article précédent : à ne pas confondre avec la théorie de l’humus, une théorie – obsolète elle-aussi – sur la nutrition des plantes. Revenir en haut ↑

  6. L’historique de la théorie de l’humification présenté dans cette section provient principalement de :

    Notez que l’auteur de la deuxième source comptait parmi les défenseurs de cette théorie. Revenir en haut ↑

  7. L’information est néanmoins vraie, mais elle ne vous servira probablement jamais à rien. Revenir en haut ↑

  8. On pense à l’époque que les plantes se nourrissent directement des matières organiques mortes des sols et que c’est là qu’elles puisent leur carbone. C’est la fameuse théorie de l’humus déjà mentionnée en note de bas de page et qu’il ne faut pas confondre avec la théorie de l’humification dont nous sommes en train de parler ! Si vous avez bien lu les articles précédents, vous savez normalement que les plantes ne puisent pas leur carbone dans les sols mais bien dans l’atmosphère. Ils transforment ce carbone atmosphérique (le \( \ce{CO2} \)) en carbone organique via la photosynthèse. (Si vous n’en étiez pas sûr.e, rendez-vous ici pour une piqûre de rappel.) Revenir en haut ↑

  9. Kleber et Johnson, op. cit., pp. 85-86 :

    “From the moment early man took to practicing rudimentary forms of agriculture, it was apparent to those working the soil that this substance was crucial to soil fertility. The origin of the organic matter was equally obvious: observations that can be repeated in any present day vegetable garden show that the recognizable features of organic detritus, either from decaying plant litter or manure applied to the soil converted over time into darkish, amorphous SOM.”

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  10. Kleber et Johnson, op. cit., p. 103 :

    “(…) examination of any soil profile illustrates that even woody plant litters disappear over a period of time while a dark amorphous organic phase appears to persist, if not forever, then at least much longer than the decaying plant fragments. The general suggestion of this morphological evidence seems to be that of a synthesis process: relatively labile plant litter materials appear to be transformed and resynthesized into something different, a material that has new chemical properties which enable it to withstand decomposition more effectively than the original plant precursor materials. As documented in the texts of Waksman (1936) and Kononova (1961), scientists readily embraced the idea and translated it into scientific questions and hypotheses. Could it be that the stable part of soil organic matter was refractory because one or more processes of secondary syntheses created novel, chemically distinct molecules?”

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  11. Lehmann et al., op. cit. :

    “Before advanced spectroscopic methods became available in the early 1990s, research on soil organic matter required that the organic phase be separated from the mineral phase through an extraction procedure.”

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  12. Kleber et Johnson, op. cit., p. 87 :

    “Over almost two centuries, a bath in a strongly alkaline liquid was one of the first things that happened to every soil sample whose organic matter component was to be studied in detail.”

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  13. Waksman, Humus: Origin, chemical composition, and importance in nature, Part A: Historical development of our knowledge of the chemical nature of humus, its formation, and its role in plant nutrition, 1936, p. 62 :

    “(…) the whole nomenclature of “humic acids”, beginning with the “humins” and “ulmins”, through the whole series of “humus”, “hymatomelanic”, “crenic”, “apocrenic”, and numerous other acids, and ending with the “fulvic acid” and “humal acids”, the last additions to the list.”

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  14. M. M. Konova, op. cit., p. 16 :

    “(…) by the end of the 18th and beginning of the 19th century the basis of the idea that humus substances are peculiar natural compounds was established (…)”

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  15. Kleber et Johnson, op. cit., p. 96 :

    “Because of their complexity, they [i.e., humic substances] are considered as the organic materials most resistant to microbial attack.”

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  16. Lehmann et al., op. cit., Box 2 : “Critique of the ‘humification’ model” :

    “A consolidated assessment of published evidence reveals that secondary synthesis of ‘humic substances’ facilitated by minerals or enzymes has not been shown to be relevant in natural systems.”

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  17. Ibid. :

    “Evidence (…) leaves little doubt that the supposedly recalcitrant ‘humic substances’ can be decomposed at surprisingly fast rates.”

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  18. Schmidt et al., op. cit. :

    “(…) direct, in situ observations, rather than verifying the existence of these large, complexe molecules [i.e., humic susbtances], in fact find smaller, simpler, molecular structures (…).”

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  19. Lehmann et al., op. cit. :

    “Among the thousands of publications on ‘humic substances’, not one independently confirms – for example, by direct spectroscopic observation – that the ‘humic substances’ extracted by alkali are components of organic matter that exist separately in soil environments.”

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  20. Kleber et Johnson, op. cit., p. 93 :

    “To the best of our knowledge, an experimental publication showing that materials extracted with alkali (= humic substances) do indeed occur as such in natural soils has not yet been published. In fact, the opposite is true: Kelleher and Simpson (2006) and Lehmann et al. (2008) when using NMR and synchrotron spectroscopy, respectively, were unable to find evidence for the existence of distinct humic molecules in soils.”

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  21. Basile-Doelsch et al., Reviews and syntheses: The mechanisms underlying carbon storage in soil, Biogeosciences, 2020 :

    “(…) the different classes of humic compounds identified in the past (humic acids, fulvic acids, humins) do not correspond to molecules that exist in situ but rather to physicochemical rearrangements of smaller molecules during their extraction (…).”

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  22. Lehmann et al., op. cit. :

    “Concerns that alkaline preparations are not appropriate representatives of soil organic matter were raised as early as 1888 (…). Unfortunately, these concerns were dismissed rather than disproved.”

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  23. Kleber et Johnson, op. cit., p. 122 :

    “(…) organic matter in soils was found to consist of identifiable and distinct molecular forms such as microbial and plant biopolymers.”

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  24. Schmidt et al., op. cit. :

    “Direct high-resolution in situ observations with non-destructive techniques have been able to explain the functional group chemistry of the extracted humic substances as relatively simple biomolecules, without the need to invoke the presence of unexplainable macromolecules.”

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  25. Lehmann et al., op. cit., p. 3. Revenir en haut ↑

  26. Girard et al., Étude des sols, Dunod, 2011, p. 55. Le temps de demi-vie des feuilles de betterave (c’est-à-dire la durée nécessaire à la disparition de la moitié de leur masse) est estimé à environ 2 mois, contre une vingtaine de mois pour la paille. Revenir en haut ↑

  27. Lehmann et al., op. cit., p. 3  :

    “This concept [selective preservation] assumes that organic inputs are composed of both labile and relatively recalcitrant compounds, the latter being used by microorganisms only when the former are exhausted.”

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  28. Melillo et al., Nitrogen and Lignin Control of Hardwood Leaf Litter Decomposition Dynamics, Ecology, 1982. (Il s’agit de la plus ancienne étude sur laquelle se base la théorie de la préservation sélective citée dans Lehmann et al.) Revenir en haut ↑

  29. Basile-Doelsch et al., op. cit. :

    “The selective preservation model has also been invalidated by dating techniques, demonstrating that supposedly recalcitrant molecules are not specifically preserved in soil organic matter. Indeed, soil microbial communities (and implicitly the associated enzymatic repertoire) are able to degrade all types of substrate in almost any soil.”

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  30. Schmidt et al., op. cit. :

    “(…) potentially labile compounds, such as sugars, can persist not for weeks but for decades.”

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  31. Ibid. :

    “We therefore cannot extrapolate the initial stages of litter decomposition to explain the persistence of organic compounds in soils for centuries to millenia – other mechanisms protect against decomposition.”

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  32. Ibid., figure 1 :

    “(…) over time, the importance of initial quality fades and the initially fast-cycling compounds are just as likely to persist as the slow.”

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  33. Ibid. :

    “Recent advances (…) have led to a new view of soil-organic carbon dynamics – that organic matter persists not because of the intrinsic properties of the organic matter itself, but because of physicochemical and biological influences from the surrounding environment that reduce the probability (and therefore rate) of decomposition, thereby allowing the organic matter to persist. In other words, the persistence of soil organic carbon is primarily not a molecular property, but an ecosystem property.”

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  34. Basile-Doelsch et al., op. cit. :

    “The action of decomposers on their organic substrate takes places in the soil pore network in microhabitats. (…) the soil structure and its heterogeneity controls accessibility and biodegradation at the micrometer spatial scale (…).”

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  35. Ibid. :

    “Within a microsite (…), oxydative depolymerization can be significantly slowed down by limiting enzyme access and \( \ce{O2} \) diffusion.”

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  36. Ibid. :

    “(…) the turnover time of \( \ce{C} \) in microaggregates (< 50 µm) is greater than that in macroaggregates (> 50 µm). (…) aggregates, and especially microaggregates are often used as fractions indicating the “degree” of physical protection of carbon.”

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  37. Baize et al., Les sols et leurs structures. Observations à différentes échelles, Éditions Quae, 2013. Revenir en haut ↑

  38. Basile-Doelsch et al., op. cit. :

    “When the adsorption affinity of an organic functional group for a mineral surface is greater than its affinity for an active enzyme site, oxidative degradation through enzymatic reactions cannot take place.”

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  39. Ibid. :

    “The smallest minerals, mainly contained in the particle size class of less than 2 μm (clay particle size fraction, classified as “clays” by agronomists), are highly effective in protecting OM.”

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  40. Sokol et al., Pathways of mineral-associated soil organic matter formation: Integrating the role of plant carbon source, chemistry, and point of entry, Global Change Biology, 2018 :

    “While not all MAOM persists in the soil over long‐term timescales (e.g., Keiluweit et al., 2015), a subset of organic C compounds within the MAOM pool can persist for hundreds or thousands of years before turning over.”

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  41. Ibid. :

    “The organic compounds within this slow‐cycling MAOM pool generally exhibit both strong physiochemical sorption to the solid phase (e.g., through strong ligand exchange interactions) and spatial separation from soil microorganisms (e.g., via occlusion within microaggregates).”

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  42. Lehmann et al., op. cit., figure 2 :

    “(…) a continuum of organic fragments is continuously processed by the decomposer community from large plant and animal residues towards smaller molecular size. At the same time, greater oxidation of the organic materials increases solubility in water as well as the opportunity for protection against further decomposition through greater reactivity towards mineral surfaces and incorporation into aggregates.”

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  43. Sokol et al., op. cit. :

    “(…) there are contrasting accounts around the importance of aboveground vs. belowground plant inputs as the primary source of C to the mineral soil. Several recent studies have shown the primacy of the root pathway in forming MAOM, whereas others have demonstrated that aboveground inputs (…) can also significantly contribute to mineral soil C stock.”

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  44. Ibid. :

    “(…) both aboveground and belowground sources of C can be quantitatively significant contributors to the MAOM pool, with their importance varying across different ecosystem contexts.”

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  45. Jackson et al., The Ecology of Soil Carbon: Pools, Vulnerabilities, and Biotic and Abiotic Controls, Annual Review of Ecology, Evolution, and Systematics, 2017. Revenir en haut ↑

  46. Sokol et al., op. cit. :

    “(…) the evidence has been more varied in forest ecosystems, including support for the primacy of aboveground inputs, for belowground inputs, and for roughly equal contributions from both.”

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  47. Angst et al., Plant- or microbial-derived? A review on the molecular composition of stabilized soil organic matter, Soil Biology and Biochemistry, 2021 :

    “Our literature review and compiled data on microbial- and plant-derived compounds in stabilized SOM indicate that microbial compounds substantially contribute to stabilized SOM. However, and very important to note, our compilation also shows that plant-derived compounds could account for ~50% of the SOM in aggregates and MAOM, and even more in forest soils. While the microbial pathway for the formation of stabilized SOM is certainly important, we call for a more balanced approach in conceptual and quantitative studies, which requires a renewed consideration of the direct contribution of plant compounds to stabilized SOM, which is still relevant in many contexts.”

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  48. Sokol et al., op. cit. :

    “Some authors assert that the majority of LMW C in MAOM is microbial‐derived (…). Others, however, have shown that MAOM can be primarily composed of directly sorbed plant compounds (…)”

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